L'évasion fiscale = fraude fiscale
La fraude
fiscale atteindrait 1000 milliards d'euros à l'échelle
de l'Union européenne, 60 à 80 milliards d'euros
rien qu'en France.
Filtrage au sommet de l'Etat.
En droit
français, la fraude fiscale est un cas à part. Pour
pouvoir poursuivre un contribuable qui a délibérément
dissimulé une partie de ses revenus ou de son patrimoine
pour se soustraire à l’impôt, la justice doit
obtenir le feu vert de l’administration fiscale. Le procureur
se voit limité dans l’exercice de l’une de
ses prérogatives habituelles : décider de l’opportunité
des poursuites. Seul le ministère du Budget peut être
à l’origine d’une plainte, sur avis conforme
de la Commission des infractions fiscales (CIF). C’est
ce qu’on appelle le «verrou de Bercy».
Pour en finir avec l'impunité fiscale, il faut supprimer
le « verrou de Bercy »
L'illustre
avocate Eva Joly a été procureur d'Evry dans les
années 80, et elle avait des dossiers de fraude fiscale
à l'audience. Mais ce qu'elle a remarqué, c'est
que les affaires instruites ne concernaient que les petites fraudes,
jamais des affaires conséquentes.
«Voici l'image des dénonciations que nous recevions
à la commission de lutte contre la fraude fiscale : une
erreur sur le taux de TVA pour les tomates vendus sur le marché,
un bûcheron qui fendait le bois pour des retraitées
sans déclaration, un polisseur de verres ou un taxidermiste
travaillant au noir... Depuis, il apparaît de plus en plus
clairement que les plus aisés trichent en toute impunité
et à grande échelle. Les «Panama papers»
ont mis a jour onze millions de fiches provenant d'un seul cabinet
d'avocat$;situé dans un pàradis fiscal. De quoi
donner le tournis aux simples contribuables. Que peuvent-ils penser
au Royaume-Uni, où la Royal Bank of Scotland a bénéficié
de 45 milliards de livres (58 milliards d'euros) d'aides publiques
pour son renflouement, alors que l'on vient d'apprendre que cet
établissement aidait ses riches clients à se dérober
à leurs obligations fiscales ? Ces révélations
mettent une nouvelle fois en lumière la tranquillité
avec laquelle les plus riches peuvent cacher leurs activités
ou leurs avoirs, et se soustraire à toute solidarité
nationale. Elles démontrent aussi l'ampleur d'un phénomène
que les gouvernements ne combattent que très superficiellement.
Il est vrai
qu'en France le procureur ne dispose pas de l'opportunité
des poursuites en matière fiscale. Il ne peut agir que
sur la demande du ministère des finances: c'est ce que
l'on appelle le «verrou de Bercy»,
du nom du quai où il est situé. Et il est rare que
ce verrou s'ouvre. Sur les 50000 contrôles approfondis réalisés
chaque année par les enquêteurs fiscaux, près
de 16000 donnent lieu à des sanctions pécuniaires
pour cause de fraude intentionnelle (selon un rapport de la direction
générale des finances de 2014). Alors que chacun
de ces cas pourrait déboucher sur des poursuites judiciaires,
seulement 4000 sont transmis à l'échelon départemental.
En définitive, à peine un millier de dossiers arrivent
à l'administration centrale, qui réduit encore la
liste pour la transmettre à la commission des infractions
fiscales (CIF).
Situé
au cœur de ce « verrou de Bercy », et seule à
même d'autoriser les plaintes, la CIF opère une sélection
finale à destination de l'autorité judiciaire. Mise
en place en 1977 et composée de conseillers d'État,
de conseillers maîtres à la Cour des comptes et de
magistrats, cette commission détient en matière
de fraude fiscale le quasi-monopole de la transmission des dossiers
au parquet pour d' éventuelles poursuites. Dans la plus
grande opacité, sans avoir à motiver ses décisions,
et souvent après avoir allongé de plusieurs mois
le délai de transmission, la CIF invalide encore près
d'un dossier sur dix (selon les statistiques officielles).
(Extrait publié par Le Monde Diplomatique n°747
de juin 2016)
Le 16 juillet
2016, le Sénat examinait le projet de loi contre la délinquance
fiscale et doit se prononcer sur ce mécanisme. Faut-il
faire sauter le verrou ? Le sujet est source d’opposition
permanente entre les fonctionnaires de Bercy et les magistrats.
Malgré l’appel de plusieurs spécialistes et
l’amendement déposé par un sénateur,
le statu quo devrait demeurer. En effet : Cazeneuve défend
le "verrou de Bercy" sur les enquêtes.
Le nouveau ministre du Budget refuse que le fisc perde le monopole
de saisine de la justice en cas de fraude fiscale et que les magistrats
puissent s'auto-saisir comme le propose un amendement du Sénat.
Loi votée le 9 décembre 2016 : transparence, lutte
contre la corruption et modernisation (loi SAPIN2) : Grosse
déception !
Va-t-on enfin faire sauter le « verrou de Bercy »
?
19 février 2018. On
apprend sur France-Inter que Bercy va créer sa propre police
fiscale dans 18 mois. Quoi Bercy avait déjà
une police judiciaire dédiée à la fraude
fiscale, la BNRDF, Brigade nationale de répression de la
délinquance fiscale, qui dépend du ministère
de l’Intérieur. Les enquêteurs sont des policiers
et des inspecteurs des impôts chevronnés. Ce sont
eux qui ont pisté le compte en Suisse de Jérôme
Cahuzac et qui ont perquisitionné chez Google.
Dans 18 mois, si tout se passe comme prévu, vous aurez
deux polices fiscales au lieu d’une, et en plus le verrou
de Bercy aura sauté, ce qui veut dire qu’il n’y
aura pas de filtre avant la case Justice. Les fraudeurs vont pouvoir
trembler, et même trembler deux fois.
Qu’est-ce qui garantit que deux polices fiscales seront
plus efficaces qu’une seule ?
- Aucune garantie, à part l’esprit de compétition
!
Selon le ministère, "on avait besoin d’effectifs
supplémentaires contre la fraude fiscale, qui coûte
tout de même entre 60 et 80 milliards d’euros par
an à l’Etat. Le futur service d’enquêtes
judiciaires de Bercy, ce sera 30 à 50 limiers en plus.Et
ce ne seront pas des tendres." On connaît déjà
la ténacité des inspecteurs du fisc. Ceux-là
auront des pouvoirs de police : perquisitions, mises sur écoute,
filatures, et gardes à vue ! Ils ne vont pas lâcher
le morceau, c’est sûr.
Maintenant, il faut juste espérer que les deux polices
vont travailler en bonne intelligence, en se partageant les dossiers
parce qu’en cas de guerre des polices, ceux qui gagnent,
à la fin, c’est toujours les voleurs.
L'affaire Cahuzac
Révélée
par Mediapart, cette affaire montre à quel
point on peut nous mentir et dissimuler des fraudes importantes.
Le soupçon porte donc sur la connivence abjecte au sommet
de l'Etat. "Comment accepter que nous demandons un effort
à nos concitoyens alors que 40 à 80 milliards d'euros
disparaissent de notre richesse nationale pour se réfugier
dans des comptes off-shore ? ",
a dit Yann Galut, député PS. Son procès a
abouti à un non-lieu, mais il est relancé en février
2018 car le parquet a fait appel à la décision des
juges. On attend le verdict !
Note 1. Gérard Filoche est devenu une
figure de la vie politique, à cause de son coup de gueule
télévisé (le 2 avril 2013 sur LCI) contre
la corruption du ministre du budget Jérôme Cahuzac.
Dans son livre « Comment rattraper les 600 milliards
qui manquent à la France » il dit : «
La fraude fiscale globale a été estimée au
ministère du budget à 80 milliards d’euros
par an » et ajoute : « en engageant 2000 inspecteurs
des impôts spécialisés, ils feraient rentrer
10 fois leur salaire, et en récupérant cet argent
fraudé, les fameux équilibres budgétaires
seraient atteints. » Il rajoute ensuite que ce n’est
pas Emmanuel Macron qui va régler le problème, en
déclarant même : «C’est sa tradition,
la fraude fiscale ». D'ailleurs, le verrou de Bercy est
toujours là et la fraude des plus riches peut continuer.
Pour en finir avec l''impunité fiscale, il faut faire-sauter-le-verrou-de-Bercy.
2016. France 5 a passé un excellent documentaire
sur l'évasion fiscale en France.
"Un documentaire choc. Il y a de quoi être en colère,
dégouté. Ils parlent tous, les Sarkozy, les Hollande,
qu'ils luttent contre la fraude, pour la justice sociale. Paroles,
paroles, paroles. Tous ces mensonges, ces secrets de polichinelles,
on se moque de qui ? Tout le système est semé d'injustices.
Ainsi donc, nous serons toujours les dindons de la farce politique.
Insupportable !". Nos institutions ne valent rien ! Pierre
Bérégovoy a été suicidé pour
avoir voulu lutter contre la corruption dans les rangs du pouvoir.
Il avait brandi la liste des députés corrompus à
l'Assemblée en menaçant de combattre ce fléau.
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