PFAS, des polluants éternels
La prise de conscience de niveaux alarmants de pollution aux substances
perfluorées dans l’eau, l’air et les sols de
plusieurs régions françaises date d'il y a peu en
France. Elle a débouché sur des campagnes d’analyses
des eaux de surface en région Auvergne-Rhône-Alpes
et dans le Bassin Rhône-Méditerranée. Les sites
investigués sont attachés à une activité
industrielle ancienne. Dernier constat en octobre 2023, les nappes
qui alimentent en eau potable le Grand-Annecy sont elles aussi contaminées.
Ces perfluorés sont extrêmement répandus...
Téflon, Gore-Tex, Scotchgard, cela vous dit quelque chose
?
Ces revêtements et traitements chimiques appartiennent à
l’imposante famille des substances perfluoroalkylées
et polyfluoroalkylées, ou PFAS, un acronyme anglais
largement utilisé en français. Ces composés
sont plus de 4700, tous obtenus par synthèse chimique. Vous
les rencontrerez sous le nom générique de composés
perfluorés, d' hydrocarbures perfluorés ou par l’expression
franchement inquiétante de polluants éternels. Pourquoi
éternels ? Ces molécules que l’industrie adore
et omniprésents dans notre quotidien ont une durée
de vie redoutablement longue. Elles persistent dans l’environnement
mais aussi dans nos corps où elles peuvent s’accumuler.
Les composés perfluorés (PFAS), c’est quoi ?
Les perfluorés sont créés par l’humain,
autrement dit ils n’existent pas dans la nature. Ils présentent
tous le même type de construction moléculaire. C’est
une chaîne de longueur variable de carbone sur laquelle les
atomes d’hydrogène ont été retirés
et remplacés par des atomes de fluor. La liaison carbone-fluor
est une liaison chimique forte en chimie organique. Les substances
produites à partir de ces molécules synthétiques
se révèlent très stables.
Cette classe de composés synthétiques est dotée
de nombreuses qualités : hydrofuge, lipophobe (résistance
aux graisses), elle supporte les chaleurs intenses, l’acidité,
la lumière et la dégradation microbienne.
Où trouve-t-on les perfluorés ?
L’industrie chimique les commercialise depuis la 2e moitié
du 20e siècle (années 40). Et ils sont présents
dans de multiples usages industriels et domestiques depuis cette
époque.
ustensiles de cuisine anti-adhésion, embouts buccaux de cigarette
électronique, semelles de fers à repasser,
composants lipophobes pour emballages en papier et en carton alimentaires,
agents imperméabilisants ou anti-tâche dans l’industrie
du textile (vêtements de pluie, moquettes et tissus d’ameublement),
isolant pour fils électriques, câbles électroniques
et agents d’étanchéité pour semi-conducteurs
dans l’industrie électronique,
lubrifiants et cires pour sols et voitures, dans la fabrication
de cosmétiques, ou encore agents anti-buée, antistatiques
ou réfléchissants pour vernis et peintures,
mousses anti-incendies pour la protection incendie,
produits utilisés pour la photographie, la lithographie,
les dispositifs médicaux,
composants d’insecticides.
Le cas du célèbre Téflon
Le Téflon est le nom commercial du PTFE (pour polytétrafluoroéthylène),
un composé fluoré inventé par DuPont de Nemours
en 1938. Il est utilisé par les fabricants d’ustensiles
de cuisine comme revêtement antiadhésif. Jusqu’à
260°C, ce revêtement ne présenterait pas de risque
pour la santé, mais au-delà, il se décompose
et relargue un tensioactif qui entrait dans sa fabrication. Ce tensioactif
est un autre perfluoré, l’acide perfluorooctanoïque
ou PFOA. C’est celui-ci qui est hautement toxique et cancérigène.
La fabrication et la mise sur le marché du PFOA en tant
que substance sont interdites dans l’Union européenne
depuis le 4 juillet 2020. Il est reconnu pour être hautement
toxique et cancérigène.
D'inquiétants niveaux de perfluorés retrouvés
sur les pentes de l'Everest..
Les perfluorés dangereux pour l’environnement et la
santé...
La nocivité de ces PFAS n’a été comprise
que récemment. Alors que les pollutions induites par le DDT,
les CFC (chlorofluorocarbures) ou les plastiques sont connues depuis
les années 1960 ou 1970, le danger des perfluorés
n’est perçu que depuis le début des années
2000. Désormais, les études épidémiologiques
s’accumulent et la législation internationale réglemente
certains PFAS.
La notoriété de certains PFAS est liés à
des scandales sanitaires retentissants.
En France, des journalistes aidés de scientifiques relèvent
dans une enquête diffusée en mai 2022 des niveaux alarmants
de PFAS dans l’eau, l’air et les sols de la ville industrielle
de Pierre-Bénite, pollués par les rejets de l’usine
Arkema.
Depuis, les autorités françaises, sensibilisées
par le cas de Pierre-Bénite surveillent les sites industriels
à risque. Au crible de leur attention, la commune de Rumilly
en Haute-Savoie et sa distribution d’eau potable.
Les perfluorés les plus surveillés en Europe et pour
certains restreints, interdits ou en voie d’interdiction sont
:
l'acide perfluorooctanoïque (PFOA)
le perfluorooctane sulfonate (PFOS)
l’acide perfluorononanoïque (PFNA)
l'acide perfluorohexane sulfonique (PFHxS)
Les émissions mondiales des quatre perfluorés ont
été réduites depuis leur restriction ou leur
interdiction. Problème : du fait de leur résistance
à toute dégradation chimique, ces substances subsistent
dans l'environnement. Dans nos organismes, elles sont bioaccumulables
et reprotoxiques. Nous n’avons pas encore de solution pour
éviter leur relargage. L'élimination des PFAS du sol
et de l'eau est difficile et extrêmement coûteuse.
Pour remplacer ces PFAS « historiques », désignés
comme dangereux par la recherche, l’industrie chimique a eu
recours de nouvelles substances perfluorés, appelées
les PFAS nouvelle génération. Ces nouvelles substances
ne sont pas régulées.
Les chaînes moléculaires de PFAS nouvelle génération,
moins longues, seraient moins persistantes et non bioaccumulables
dans l’environnement. Ce que les études scientifiques
en santé humaine et animale compilées par la base
de données PFAS-Tox et portant sur 29 de ces nouveaux perfluorés
ne montrent pas.
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